
Certains d’entre vous ne le savent sans doute pas mais j’ai changé de travail et de région il y a peu. 300km me sépare désormais de Monsieur Moustache et de sa science infuse mais malheureusement il semblerait qu’il y ait dans ce monde autant de Monsieur Moustache que de galets sur les plages du Havre. Donc autant vous dire que je n’ai pas fini d’entendre des bêtises plus grosses les unes que les autres… et de vous les faire partager bien-sûr !
Alors que j’étais tranquillement en train d’écrire dans un salon de thé, un Monsieur Moustache est venu m’aborder, étant donné l’approche j’aurais dû me douter que ça ne finirait pas bien…
Tu as toujours la nez dans ton écran, me lance-t-il en s’approchant.
Bon, déjà, le tutoiement j’ai du mal… Oui je suis de la vieille école. Je lui explique que je travaille et que je n’ai que peu de temps et que c’est pour cette raison que je suis concentrée sur mon écran.
Fatalement, il me demande ce que j’écris. Je lui explique que je suis auteur et là, le spectacle commence. Tiens donc, quel coïncidence, son cousin au deuxième degré est chef de collection pour une maison d’édition dont il ne se souvient pas du nom et son ex-beau frère écrivait des polars. Alors l’univers du livre, il connaît. C’est bien ma veine.
Il me demande quel type de roman j’écris, je lui raconte dans les grandes lignes et lui explique que c’est de la fantasy et là, accrochez-vous bien.
Ah ouais, donc, en gros, tu écris des livres pour les enfants.
A cet instant, je suis persuadée que ma ride du lion était bien visible. Je tente de lui expliquer avec pédagogie que la fantasy ce n’est pas uniquement pour les enfants, ça se voit qu’il n’a pas lu Tolkien…mais je n’ai pas le temps d’en placer une qu’il me coupe :
Je ne dis pas ça pour te juger , hein, mais bon c’est quand même plutôt un genre pour les gamins.
J’ai tout de suite compris que même avec toute la patience et la plus grande pédagogie du monde que je n’ai pas, je n’arriverais pas à le faire changer d’avis. J’ai donc abandonné l’idée d’être agréable et je me suis contenté de lui lancer :
Oui, c’est plutôt pour les gamins, tout comme le diabolo à la fraise, pourtant c’est bien ce que tu es en train de boire…
Fermez les rideaux, le spectacle est terminé ! Monsieur Moustache baragouine quelque chose comme quoi ce ne serait pas un diabolo mais une limonade artisanale puis il retourne dans son coin et moi je peux continuer à écrire tranquillement.
Enfin bref, tout cela s’avère finalement positif puisque c’est cette rencontre inattendue avec Monsieur Moustache qui m’a donné l’idée de cet article.
Je vais donc répondre par vrai ou par faux à cinq préjugés qui concernent l’écriture ou les auteurs. Je rappelle, bien-sûr que je vais donner ici mon point de vue et que par conséquent, il n’est ni objectif ni universel, contrairement à celui de Monsieur Moustache, ça va de soit.
N°1 : c’est l’auteur qui choisit le titre de son roman
Faux

Alors, c’est quelque chose que j’ai appris sur le tas et dont je ne me doutais pas du tout avant d’être éditée. Lorsque vous êtes édité par une maison d’édition il faut savoir que le titre tout comme la 4e de couverture sont considérés comme des éléments marketing et que, par conséquent, c’est à la maison d’édition de décider de leur contenu. Bien-sûr, la maison d’édition peut choisir de préserver le titre d’origine ou de vous donner un droit de regard sur un nouveau titre mais dans tous les cas, c’est elle qui a le mot de la fin. D’ailleurs, généralement cet aspect est indiqué par une clause dans le contrat d’édition. J’ai eu la chance de rencontrer il y a quelques années une directrice de collection de chez Gallimard et elle m’a expliqué que plus de 60% des romans de ses auteurs avaient changé de nom une fois édité.
N°2 : les auteurs encaissent la totalité de la somme sur la vente de leurs ouvrages
Faux
J’ai déjà abordé le sujet dans un article mais je pense que c’est important de revenir dessus car la plupart des personnes avec qui j’ai discuté et qui ne sont pas familier avec l’univers du livre ont été plus que surpris lorsque je leur ai dit que sur mon roman j’allais gagner environ 1€.

Pour que vous puissiez comprendre la répartition des gains dans la vente d’un livre, j’ai réalisé un graphique basé sur un ouvrage dont le tarif serait de 20 euros.
Vous remarquerez sur ce graphique que l’auteur gagne à peu près entre 6 et 10% du prix de son livre en fonction du pourcentage négocié avec son éditeur. Il est également possible que l’éditeur rémunère celui-ci avec un pourcentage de rémunération progressif.
Exemple :
- 500 premiers exemplaires 6%
- 500 à 1000 exemplaires vendus 7%
- 1000 à 3000 exemplaires vendus 8%
- etc.
N°3 : les auteurs écrivent la nuit
Vrai et faux

J’ai constaté que dans l’imaginaire de beaucoup, l’auteur est un être de la nuit qui travaille et tape sur son clavier alors que tous sont endormis. Je pense que cette idée vient simplement du fait que beaucoup d’auteurs ont un autre emploi et que par conséquent, le seul moment de libre dans la journée est bien souvent le soir. C’est vrai que la majorité des auteurs que j’ai rencontré travaillent souvent tard le soir. En revanche, pour ce qui me concerne, il ne faut plus rien me demander après 18h car mon cerveau se transforme en bouillie. Je suis un auteur du matin, chaque jour, je me lève à 5h afin de pouvoir consacrer 1h30 à 2h à l’écriture.
N°4 : les auteurs sont payés pour venir aux salons et autres événements
Vrai et faux

Je sais que c’est un grand débat, notamment avec l’arrivée de #payetonauteur mais il se trouve que la majorité des auteurs ne sont pas payés lorsqu’ils se rendent dans des salons pour des dédicaces. Les maisons d’édition peuvent défrayer les auteurs, c’est à dire qu’elles remboursent les frais de déplacement et l’hébergement mais ce n’est pas systématique donc autant vous dire que lorsque vous participez à plusieurs salons dans toute la France, cela peut rapidement revenir très cher pour l’auteur. Pour ce qui concerne les ateliers ou conférences, certains salons et manifestations littéraires rémunèrent enfin les auteurs et j’ai envie de dire… ce n’est pas trop tôt ! Car oui, il n’y a pas si longtemps les auteurs venaient bénévolement travailler et animer des conférences, personne n’aurait l’idée de demander à un musicien de jouer gratuitement lors d’un festival ou à un artiste de réaliser une prestation sans rémunération et pourtant, si c’est un auteur cela ne posait aucun problème.
N°5 : écrire est à la portée de tous
Vrai

Je reste persuadée que peu importe les études réalisées, les compétences ou même le niveau de français que vous possédez, vous êtes capable d’écrire. En revanche, écrire pour être lu, c’est autre chose. En effet, tenir le rythme d’écriture, réussir à raconter une histoire cohérente et qui intéressera les lecteurs demande beaucoup de travail, de patience et d’envie. C’est pourquoi, je ne pense pas que ce soit à la portée de tous et c’est d’ailleurs pourquoi le métier d’écrivain existe. Tout le monde peut donc écrire mais pas toujours pour être lu et ce n’est pas grave car au fond c’est bien aussi d’écrire pour soi.
Merci pour ce bel et intéressant article !
Merci à vous pour ce commentaire 😉
Merci pour cet article plein d’informations utiles 🙂 Je trouve effarant le système de rémunération des auteurs qui, si tu retranscris le temps « jour homme » passé par les différents acteurs du livre, est profondément inégalitaire (mais bon, c’est un débat aussi vieux que l’imprimerie, j’imagine). C’est déjà une bonne chose que la rémunération pour l’intervention en salon change.
J’écris aussi et j’ai déjà la boule au ventre en imaginant les futur combats si j’en venais à être éditée ^^ »
Très bonne journée,
Solange
creareal.fr