En France, parler d’argent et de rémunération est souvent considéré comme vulgaire. La plupart des gens ne savent pas le salaire de leurs voisins, de leurs amis ou même des membres de leur famille, c’est comme ça, c’est culturel. Alors que les américains aiment discuter de leur gain, nous les français nous préférons éviter le sujet de peur de vexer ou de paraître irrespectueux.
Je dois avouer que je fais partie des personnes qui n’aiment pas particulièrement parler d’argent mais aujourd’hui je vais faire une exception.
Et pourquoi ça ? me demanderez-vous. Il y a quelques mois, j’ai appris à un de mes béta-lecteurs* que mon roman allait être publié par une maison d’édition. Depuis, celui-ci me demande puisque je vais être publiée de le rémunérer, 4 euros par page. Sachant que je tourne souvent entre 200 et 220 pages, cela ferait en gros 880 euros. Alors, je ne dis pas que cette personne ne mérite pas un salaire, c’est un très bon béta-lecteur mais je lui ai expliqué que malheureusement je n’avais pas les fonds nécessaires pour le payer et là, il est tombé des nues.
*Un bêta–lecteur (également appelé bêta-correcteur) est un critique ou correcteur, non professionnel. Promis, je vais vous réaliser un article sur le sujet.
Grande révélation : la plupart des auteurs, même ceux qui publient chaque année et font partie d’une moyenne ou grande maison d’édition ont un second emploi pour leur permettre de vivre.
Ça fait longtemps que j’ai envie de vous en parler mais hier je suis tombée sur la webserie « Dans la peau d’un auteur jeunesse » et je me suis dis : c’est le moment d’en parler. Je vous laisse la vidéo pour ceux qui ne l’ont pas vu, elle est très drôle et montre bien le décalage entre la vision du grand public et la réalité de la vie d’un auteur.
Petite mise au point
sur la rémunération des auteurs
Si vous voulez être auteur afin de devenir riche et célèbre, je ne veux pas vous casser le moral mais il y a 99,9999% de chances que vous enchaîniez les déceptions et que vous frôliez l’anéantissement en constatant que non seulement le marché du livre n’est pas dans sa meilleure forme, mais qu’un auteur débutant ou non, ne gagne pas grand-chose par rapport au travail fourni...
La répartition des gains pour un ouvrage imprimé
Pour que vous puissiez comprendre la répartition des gains dans la vente d’un livre, j’ai réalisé un graphique basé sur un ouvrage dont le tarif serait de 20 euros.
Vous remarquerez que l’auteur gagne à peu près entre 6 et 10% du prix de son livre en fonction du pourcentage négocié avec son éditeur. Il est également possible que l’éditeur rémunère celui-ci avec un pourcentage de rémunération progressif.
Exemple :
- 500 premiers exemplaires 8%
- 500 à 1000 exemplaires vendus 9%
- 1000 à 3000 exemplaires vendus 10%
- etc.
Donc pour récapituler, imaginons que votre premier ouvrage se vende à 1000 exemplaires ( je sais ça ne vous paraît pas beaucoup, pourtant pour un premier ouvrage c’est énorme ! En effet, la fourchette moyenne haute se situe plutôt entre 500 et 800 exemplaires pour un premier roman) au tarif de 15 euros et que vous êtes rémunéré à 10%. Cela vous fait 1500 euros (il ne faut pas oublier que les impôts vont passer par là…) . En sachant que l’écriture d’un livre prend des centaines d’heures si ce n’est pas des milliers répartis sur plusieurs années… autant vous dire que le taux horaire serait de quelques centimes. Et j’ai la gentillesse de ne pas déduire de cette somme, tous les frais personnels engendrés par l’écriture et la recherche d’éditeur : l’impression de vos manuscrits, les frais d’envois, etc. Sans parler des frais relatifs aux salons, rencontres (hôtels, trajets…).
Il est également important de savoir que souvent l’auteur n’est rémunéré que 12 mois après le lancement de son livre. Les revenus ne sont en effet calculés qu’au bout d’une année de vente, une fois les invendus récupérés.
Très peu d’auteurs vivent de leur plume. Pour ma part, dans mon entourage, je n’en connais aucun qui n’ait pas une activité ou un emploi en parallèle en complément de revenu .
Ce sujet me rappelle d’ailleurs une interview de Russel Banks, célèbre écrivain américain. Lorsqu’un journaliste lui demande quels sont ses conseils pour les futurs auteurs, il répond simplement :
Ne quittez pas votre job, c’est le principal.
Donc si votre seul objectif est de gagner de l’argent et devenir riche grâce à l’écriture, je vous conseille fortement de choisir un autre métier plus lucratif, sinon continuez de faire ce qui vous plait !
PS : Je vous interdis de vous moquer de mon graphique Excel, voilà des années que je n’en avais pas réalisé… autant vous dire que ça ne m’a pas manqué.Impossible de mettre les couleurs souhaitées, la palette est restreinte à des teintes vieillottes, l’accent sur le E crée un décalage, je suis obligée de le retirer… Je sais, je sais, ce n’est pas un logiciel graphique, mais bon tout de même !
Je trouve la démarche de ton bêta assez culottée pour ma part ! Je ne connais pas votre passif et sa connaissance du monde de l’écriture/édition, mais ça me laisse pantoise je dois dire !
Oui à bien y regarder c’est quand même un peu du vol…